Appel à contributions > Axe 2 - Demande, demandes?

Il y a encore quelques décennies, alors que le prix du pétrole était bas et la contrainte climatique absente, la « demande » d’énergie pouvait être réduite à une fonction croissante accompagnant le développement des capacités industrielles et l’équipement progressif des ménages. La remise en question de cette approche depuis les chocs pétroliers s’est traduite par l’émergence de la « demande » comme un enjeu politique, encore aujourd’hui difficilement résolu par l’action publique. Cela tient en particulier à la complexité des modes de vie et pose la question de la difficile lecture de la diversité temporelle et spatiale des usages.

Face à une approche économique le plus souvent focalisée sur le rôle directeur des prix, les sciences sociales rivalisent de cadres explicatifs pour éclairer la conduite des individus. Elles font porter l’analyse sur les structures sociales (Bourdieu), les stratégies d’acteurs au sein des organisations (Crozier), la confrontation de régimes de conventions (Boltanski et Thévenot) ou encore la capacité des individus à agencer à leur profit des cadres dont ils ne sont pas les auteurs (Dubet). Cette diversité incite à poursuivre des débats déjà amorcés en sociologie de l’énergie sur la façon de se représenter la « demande » d’énergie et sur la pertinence (ou non) de la notion de « comportement » pour l’éclairer.

Représenter la « demande » d’énergie : archéologie théorique et méthodologique

Le colloque invite ici à interroger les représentations de la « demande », celles qui circulent au cœur des politiques publiques et des stratégies d'entreprise, comme celles auxquelles recourent les sciences sociales dans leurs travaux.

Une archéologie réflexive. Face à la multiplicité de cadres analytiques, comment s’opère le choix des chercheurs en sciences sociales ? Quel est le poids des différentes formes de légitimation scientifique ? La diversité des cadres d’analyses sert-elle la saisie de cette demande dans sa complexité et sa multi-dimensionnalité ? Nourrit-elle au contraire une fragmentation et une vision éclatée de cet objet ? Peut-on imaginer des modes de collaboration au sein des sciences sociales, d’articulation entre cadres d’analyse ou de légitimation académiques, qui favoriseraient l’émergence de visions plus robustes de la demande, intégrant la diversité des points de vue ?

Individu, collectif. Comment se représenter la « demande » ? La question du réalisme de cette représentation est un point fondamental. Elle appelle un débat élargi entre sciences sociales pour ne pas opposer a priori les approches formelles et celles plus « situées ». Ainsi, que peuvent nous dire les sciences économiques sur les théories et les méthodes qui consistent à approcher la demande au travers d’un « agent représentatif » ? Quels débats et quelles évolutions travaillent les approches ‘typologiques’ ? Symétriquement, à quels enjeux théoriques et méthodologiques se confrontent les sciences sociales (par ex. sociologie de la consommation, sociologie de l’énergie…) qui considèrent comme insuffisante la caractérisation d’ « hommes/femmes moyen(nes) » ? Une conception centrée sur l’individu est-elle pertinente ? Les sciences sociales saisissent-elles davantage que les approches formelles les tensions (i.e. imitation, hybridation…) entre les pratiques individuelles et collectives de consommation d’énergie ? Que disent les approches par le genre sur la consommation d’énergie ? Comment analyser la demande d’énergie dans ses relations d’encastrement avec les autres politiques (santé, transport, urbanisme, etc.) ?

Complexité, quantification/profil, accès aux données. Comment l’accès (souvent difficile) aux données de consommation d’énergie pèse-t-il dans la façon de formaliser et de préciser les profils de consommateur ? Quel est l’apport du ‘profil’ et de la quantification ? Quelle est l’influence de tendances sociales (vieillissement, flux migratoires…) sur la représentation de la demande ? Comment intégrer la complexification des profils de consommation (consommateur-producteur, client, citoyen, usager) ?

Pratiques, systèmes d’usages et systèmes sociotechniques

Si l’archéologie des théories et des méthodes qui sous-tendent les façons de représenter la « demande » est nécessaire, certains travaux insistent sur l’importance des processus de formation de la demande, incluant l‘enjeu de la sobriété. L’analyse porte en particulier sur l’articulation entre les pratiques sociales et les dispositifs sociotechniques au travers desquels ces pratiques s’expriment.

Comment décrire les systèmes domestiques (culture, contraintes matérielles et financières, priorités de vie, systèmes de pratiques…) et les tensions qui les travaillent ? Quelle place tiennent les systèmes sociotechniques dans la diffusion des innovations liées à la consommation d’énergie ? Comment de nouvelles technologies de l’énergie orientent-elles, voire construisent-elles, de nouveaux profils de consommateurs? Quels sont les enjeux politiques et éthiques de ces processus ? En quoi les règlementations (par ex. thermiques…), les méthodes de dimensionnement ou le pilotage des systèmes énergétiques participent-ils au cadrage des pratiques de consommation ?

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